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par Frédéric Jourdin


Ajouté à un cor en si bémol descendant, un piston ascendant en ut apporte plus de justesse et de facilité dans l'aiguë tout en proposant des doigtés similaires à ceux du cor double en SiB/Fa lorsque ce piston est contrôlé au niveau du pouce. Et grâce à une coulisse de son bouché et une extension optionnelle en fa toutes les notes du registre peuvent être jouées, le tout pour un poids total de l'instrument très léger.

Ainsi Dennis Brain avait fait ajouter à son cor simple en si bémol descendant de la marque française Raoux deux pistons rotatifs supplémentaires. Le premier était pour la coulisse de son bouché. Le second était ce piston ascendant d'un ton qui fonctionne à l'inverse d'un piston descendant : la palette au repos l'air circule dans la coulisse ascendante ; mais lorsque la palette est enfoncée l'air emprunte un chemin plus court ce qui élève la tonalité du cor un ton au dessus du si bémol. M Brain explique qu'en élevant ainsi son cor en ut alto les notes aiguës la, si, do et ré sont excellentes et le cor admet également le sol pédale ainsi qu'un bon sol grave (Grieve, 1971). Cet instrument bénéficie à la fois des qualités des systèmes descendant et ascendant.

De nos jours les constructeurs, allemands en particulier, offrent une étonnante diversité de modèles de cor. Ceux configurés comme celui de D. Brain sont rarement joués. Je pense cependant que ce type de cor devrait être reconsidéré car il offre un compromis intéressant en tessiture de jeu, agilité, longueur de branche d'embouchure, poids et coût, et il dispose d'un potentiel étonnant en terme de justesse.

Parmi tous les systèmes incluant un piston ascendant celui-ci à l'avantage d'être le plus simple, et de proposer des doigtés similaires à ceux du cor double classique si bien qu'il peut être adopté d'emblée par un non-connaisseur des cors ascendants.

Description

C'est un cor simple en SiB à cinq pistons disposés en ligne. Ceux ascendant et de son bouché sont commandés par deux palettes disposées au niveau du pouce. La coulisse de son bouché peut être remplacée par une rallonge en fa. Le schéma de principe de l'instrument est présenté en figure 1. Les longueurs théoriques des coulisses sont précisées en annexe. Par la suite pour abréger je dénommerai ce cor le cor SiB/Ut.

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Paxman et Alexander ont construit ce modèle de cor. Mais il n'apparaît pas dans leurs catalogues de modèles standards. A ma connaissance un tel cor n'est actuellement proposé à la construction que par deux facteurs : Johannes Finke et Ricco Kühn (les deux situés en Allemagne). La photographie de mon cor, un Kühn W125/C, est présenté en exemple à la figure 2. Il a été conçu par Ricco Kühn sur la base d'une demande spéciale du professeur Eisuke Yamamoto (Japon).

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La figure 3 montre ce modèle, vu de derrière et permettant de mieux voir sa conception au niveau de la branche d'embouchure et des pistons. Les doigtés sont indiqués sur l'image.

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Sachant d'une part que la rallonge en fa n'est pas toujours nécessaire, ce qui est montré dans le chapitre suivant, et qu'une coulisse ascendante n'ajoute pas de poids à un cor en si bémol, la première qualité de ce cor est sa légèreté. Il est presque aussi léger (un piston et une palette supplémentaires) qu'un cor simple en si bémol avec coulisse de son bouché.

Doigtés usuels

Toutes les notes dans toutes les tessitures du cor peuvent être jouées avec cet instrument. Les doigtés dans le médium (écrit ici en fa) sont indiqués ci-dessous. Ils sont similaires aux doigtés habituellement pratiqués sur un cor double en SiB/Fa (configuré ici en si bémol lorsque le pouce n'appuie pas sur sa palette).

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A cela le cor SiB/Ut ajoute deux doigtés supplémentaires spécifiques pour le do dièse et le ré. Joué avec la coulisse ascendante le ré et le sol sont théoriquement plus juste vis-à-vis de la gamme tempérée que lorsqu'ils sont joués sur le cor en si bémol descendant. La situation est inverse en ce qui concerne le do dièse et le fa dièse cependant. Il est à noter que le sol joué avec la coulisse ascendante aura un son plus clair que s'il est joué avec le cor en fa puisque la longueur de tuyau correspondante est plus courte.

Bien entendu on retrouve les mêmes doigtés dans la tessiture au dessus. A la différence que trois autres doigtés supplémentaires apparaissent dans cette tessiture pour les sol dièse, la et si. Ainsi ces notes jouées avec le piston ascendant sont plus sûres à l'émission, la longueur du tube étant plus courte dans ce cas.

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 La table 1 permet de comparer le cor SiB/Ut avec les cors altos pour ce qui est du rapprochement des harmoniques dans l'aiguë (sachant que les 5ème et 10ème harmoniques sont généralement un peu trop basses). Bien entendu les cors altos sont logiquement plus adaptés à jouer dans l'aiguë que le cor SiB/Ut. Cependant le piston ascendant permet une facilité appréciable jusqu'au la aigu au même titre qu'un cor avec troisième piston ascendant (voir Thévet 1973). En particulier le la peut être joué plus juste et plus sûr sur la 9ème harmonique au lieu de la 12ème harmonique du cor en si bémol descendant. En outre le cor SiB/Ut bénéficie normalement de sa longue branche d'embouchure comparée à celles courtes des cors alto, en particulier le fa alto.

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Dans le grave, les doigtés sont également comparables à ceux du cor double en SiB/Fa comme indiqué ci-dessous.

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Il est à noter que la longueur de ce cor peut aussi être portée à celle du cor en fa avec le doigté 523, et aussi à celle du cor en mi avec le doigté 513, en exploitant, position ouverte, la coulisse de son bouché qui possède à peu près la même longueur que la coulisse de demi-ton descendant du cor en fa. La rallonge en fa permet également d'avoir les cors en fa et mi ce qui correspond alors aux doigtés respectifs 5 et 52. Ainsi les sol et sol bémol peuvent être joués avec un son plus doux que les mêmes notes jouées avec le piston ascendant.

Pour jouer spécifiquement dans l'extrême grave la rallonge en fa est généralement nécessaire. Cependant sans elle (où lorsque elle est verrouillée par le piston manuel) il manque seulement deux notes au cor SiB/Ut dans cette tessiture, comme montré ci-dessous.

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Ces doigtés sont peu pratiques lorsqu'il s'agit de jouer des notes qui se suivent et sont situées au dessus et en dessous du sol car le pouce doit passer de la palette 4 à 5. Ainsi ce cor ne convient pas aux cornistes graves exécutant des passages relativement rapides dans cette tessiture.

Mais ce cor est parfois un bon choix pour jouer une partition de 4ème cor. En effet les doigtés 5412 et 5423 font des notes ayant une relative bonne justesse grâce au piston ascendant combiné avec la rallonge en fa. Seuls les si bémol et la bémol sont un peu haut. Le résultat en est que la justesse du cor SiB/Ut est différente mais globalement aussi bonne que celle du cor double en Fa/SiB qui a un sol un peu haut et un fa dièse vraiment trop haut. Dans cette tessiture les sol et fa dièse peuvent être joués au contraire plus justes et avec plus de puissance sur le cor SiB/Ut.

Arpèges

Le cor SiB/Ut facilite les arpèges dans toutes les tonalités comme il est montré dans la table 2 malgré des doigtés spécifiques pour les tonalités les plus graves. Les arpèges sont globalement justes. Comparés avec ceux joués sur un cor double Fa/SiB ils sont même un peu meilleurs. En effet seuls les cors en mi bémol (+15 cents relatif à la gamme tempérée) et en ré bémol (+25 cents) du cor SiB/Ut sont trop hauts. Tandis que sur le cor double en Fa/SiB le cor ut grave (+16 cents) est trop haut et le cor si grave (+40 cents) est vraiment trop haut et instable.

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Sons bouchés et trilles

Pour jouer les sons bouchés la coulisse de son bouché est nécessaire dans la tessiture usuelle. Dans l'extrême grave j'obtiens les meilleurs résultats en lisant simplement un demi-ton en dessous (comme d'habitude avec un cor en fa). Les sons voilés, dits aussi sons d'écho, doivent être joués en lisant un demi-ton au dessus comme d'habitude. La rallonge de fa est généralement nécessaire pour jouer les trilles. Les doigtés suivants peuvent être employés (d'autres doigtés sont possibles).

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Pour les notes plus aiguës les doigtés ci-dessous sont proposés.

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Justesse parfaite

Chacun sait que la justesse parfaite n'est pas absolue. Une justesse dite acceptable dépend de la tonalité, des altérations, du contexte musical, et de la perception subjective des autres musiciens et du chef d'orchestre ! Le corniste corrige les écarts de justesse avec les lèvres ou avec la main. Mais une œuvre peut contenir quelques notes qui posent plus que d'autres des problèmes affectant la stabilité ou la sonorité (voir la figure 4).

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Des doigtés annexes permettant de résoudre ces difficultés sont peu nombreux sur les cors doubles, mais pas sur le cor SiB/Ut car c'est un cor simple à 5 pistons (voir Beach 1978). Et lorsque la note voulue correspond exactement à une harmonique naturelle du cor le son émis est nécessairement beau !

Pour cela une tablature est proposée ci-après. Faite pour un usage occasionnel celle-ci est relativement exhaustive laissant le choix au musicien de sélectionner ses doigtés préférés. Cette tablature peut aussi être une aide dans la recherche de doigtés plus pratiques à exécuter dans des passages difficiles.

Un doigté désigné avec le symbole “+” donne une note légèrement haute, “++” plus haute, “-” légèrement basse et “--” plus basse. Par exemple le sol un peu bas joué au premier piston est désigné “--”. Et le la indiqué “++” joué avec les deux premiers pistons est un peu haut. Ces écarts relatifs à la gamme tempérée ont été calculés d'après les longueurs de tube (voir l'annexe pour les détails). Pierre-Louis Ducreux (voir les remerciements) et moi avons vérifié subjectivement leurs justesses sur mon cor.

La tablature dans le médium est indiquée ci-dessous. Les doigtés utilisant la coulisse de son bouché sont indiqués en italique. Donc tous les doigtés utilisables lorsque la rallonge de fa est en place sont tous ceux écris en caractères normaux et situés de part et d'autre de la portée. Les doigtés usuels sont indiqués en caractères gras.

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 La tablature pour la tessiture haute est indiquée ci-dessous. Les doigtés utilisant la rallonge de fa ne sont pas mentionnés dans cette tessiture car il sont trop nombreux et correspondent généralement à des notes instables. Pour les mêmes raisons toutes les harmoniques strictement supérieures à la 13ième ont été retirées de cette tablature. Pour les notes les plus hautes il est évidemment recommandé de choisir la longueur de tube la plus courte.

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La tablature dans le grave est la suivante.

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Les possibilités sont moins nombreuses dans cette tessiture. En revanche les lèvres peuvent mieux y contrôler la justesse. A noter qu'un sol bémol est désigné “+++” car sa hauteur s'écarte très légèrement de plus d'un huitième de ton de la gamme tempérée.

La tablature suivante est celle pour l'extrême grave. Dans cette tessiture les notes dont les hauteurs peuvent s'écarter jusqu'à un quart de ton de la gamme tempérée y ont été incluses afin de pouvoir renseigner la justesse de tous les doigtés usuels. Les doigtés correspondants sont désignés “+++” et “---”. Ces notes peuvent être plus facilement corrigées avec les lèvres dans cette tessiture. Les doigtés qui ne sont pas usuels sont probablement inutiles dans cette tessiture mais ils sont tout de même indiqués à titre d'information. Comme précédemment, les doigtés utilisant la coulisse de son bouché sont indiqués en italiques. Et les doigtés usuels sont en caractères gras.

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Conclusion et remerciements

La capacité du cor SiB/Ut à offrir la juste longueur de tube permettant une meilleure sonorité fait que je considère cet instrument comme valable !

Présenté ici ce cor est une combinaison originale où l'asymétrie et la simplicité sont les idées maîtresses. Sa souplesse et sa facilité de jeu dans l'aiguë en font un candidat particulièrement adapté au solo et à la musique de chambre.

Lorsque j'ai essayé pour la première fois le Kühn W125/C ce sont les ré joués avec le piston ascendant qui ont d'emblée attiré mon attention. Ils sont grandioses ! Même les cors altos n'ont pas cette justesse sur les ré puisque le doigté 13 du cor alto en fa est trop haut et le doigté 12 du cor en mi bémol est légèrement haut comme celui du cor en si bémol.
Pour moi ce cor se révèle particulièrement doué pour la justesse. C'est un cor fait pour ceux qui veulent être certains de débuter un solo par une note parfaitement juste et claire !

Je souhaite remercier tout particulièrement Pierre-Louis Ducreux, professeur de cor à l'Ecole Nationale de Musique et d'Arts Dramatiques de Brest, pour son intérêt envers cette étude et son enthousiasme lors des essais du Kühn W125/C.

Annexe

L'écart de justesse de chaque note est mesuré en cents par rapport à la gamme au tempérament égal à douze tons. La désignation de justesse de chaque doigté respecte les intervalles indiqués dans le tableau A1.

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Les limites des intervalles de justesse ont été choisis à partir des critères suivants:

  • une oreille humaine perçoit un défaut de justesse au dessous d'un écart de 6 cents ;
  • le ré et le sol médium joués avec les doigtés respectifs 12 et 1 sur le cor en si bémol s'écartent en théorie de 10 et 14 cents de la gamme tempérée ;
  • les tempéraments traditionnels ne dévient pas typiquement de plus d'un huitième de ton du tempérament égal ;
  • 48 cents équivaut pratiquement à un quart de ton.

Pour chaque doigté la hauteur du son est calculée à partir de la longueur de tube totale. L'instrument avec son extension en fa est accordé au préalable à partir des longueurs les plus courtes. Ainsi les coulisses accordées sont pour les doigtés 4 (cor en ut), 0 (cor en si bémol), 2 (cor en la), 1 (cor en la bémol), 23 (cor en sol bémol) et 5 (cor en fa). Le la du diapason fixé à 442 Hz amène aux longueurs théoriques des tube et coulisses indiqués dans le tableau A2. La longueur de la coulisse de son bouché a été fixée arbitrairement.

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Références

Beach, Robert F., "A Search for Better Intonation." The Horn Call, Volume VIII, Number 2, pp 28-37, May 1978.
Grieve, Alexander, "A letter from Dennis Brain." The Horn Call, Volume I, Number 1, pp 48-49, February 1971.
Thévet, Lucien, "The F/B-flat Horn with Ascending Third Valve." The Horn Call, Volume IV, Number 1, pp 38-41, Autumn 1973.

Frédéric Jourdin (Dr) est un corniste amateur, né dans une famille de musiciens, exerçant principalement à l'orchestre universitaire de Brest. Il est chercheur en océanographie optique et acoustique. Veuillez le contacter à son adresse email fjourdin@numericable.fr si vous avez des questions.

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